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La Machinerie

C’est vraiment une bande de pirates qui s’occupe d’un navire amiral !

Pour moi, c’est un métier rempli de naufragés de la vie. Ce sont souvent des gens marginaux qui se retrouvent à travailler dans un truc qui est hyper classe ! Alors que c’est des pirates en vrai ! Ça fait partie du charme du métier. T’auras jamais deux sons de cloches identiques, t’auras jamais des machinistes parfaitement léchés, costard-cravate. C’est souvent des gens qui ont des addictions, qui ont un parcours un peu chaotique, voire triste, même des fois tragique. Il y a vraiment cet état d’esprit du bateau dans le sens où on est un équipage et on donnerait tous n’importe quoi pour les uns pour les autres parce qu’on est tous dans la même came - Léo

Léo

J’étais le seul supplémentaire à arriver avec mon sac à dos à outils apparemment en Belgique tu viens pas avec tes outils au travail, c’est l’employeur qui fournit les outils. En Suisse, c’est sensé être pareil mais la plupart des gens apportent leurs outils quand ils en ont. Et un jour j’ai retrouvé mon sac suspendu au dessus du plateau pendant un spectacle. Il était genre à 10 mètres suspendu dans le vide comme ça ! Bêtement j’étais là: «oh non !». C’était la première production que je faisais ici et à force de le voir traîner, ils ont décidé de me l’accrocher, tout le monde était dans le coup! Parce que les cintriers ont descendu le truc, John était au courant, le régisseur de prod était complètement au courant. Je l’ai cherché pendant un bout de temps tu vois ! Un moment donné on me dit « lève les yeux !»

Le Canard

Yashine – A chaque fin de saison, il faut faire une blague. Les anciens ils faisaient ça avant. Maintenant ils ont arrêté je sais pas pourquoi. Alors moi et Nico on a trouvé un canard, tu vois, pour rendre hommage à un machiniste. A la fin on s’est demandé « on le met ou on le met pas ?» J’ai pris le canard je l’ai jeté dans le bain ! Ça a claqué le canard franchement !

Edwin – Et les solistes ils ont pas arrêté de jouer avec le canard dans le jacuzzi

Nico – Ça se prêtait bien au jeu parce que justement dans le jacuzzi tu vois c’était un peu la folie, ils jouaient et tout, ils étaient un peu foufous quoi ! Et du coup ce canard passait super bien ! Au casque on entend « qui a mis le canard ?»

Edwin – « QUI A MIS LE CANARD ?»

Nico – On se regarde tous et « oh...»

Yashine – On n’a rien dit jusqu’au bout

Yashine

Ça fait 4 ans que je fais tous les spectacles ! Je veux être un vieux machiniste ici, un machinosaure de la Monnaie.

Ce que j’aime dans la machinerie ? L’équipe. Travailler avec eux sans se taper dessus. On s’entend bien quoi. Comme tu viens de dire on est une bande de pirates. On a chacun une façon de penser différente et on s’entend tous bien. Des fois ça gueule mais c’est normal il y a que des gars là dedans, il manque des filles ! Mais ça va. Moi, je reste là parce que j’adore les spectacles, faire une manœuvre ! Même ouvrir une putain de porte, c’est une manœuvre, il y en a qui n’aime pas. J’aime bien cette ambiance, l’équipe, les malettes,…

Je suis cintrier !

Bonjour. Je m’appelle Ben. La machinerie, bon. Il y a une très bonne convivialité, avec les collègues c’est très chouette. Beaucoup de monde autour de nous. C’est un chouette métier qui est toujours différent. Parfois c’est dangereux. Il faut être sérieux. On m’a demandé quand on m’a engagé « est ce que ça te convient de travailler les week-end, les nuits ? Et on n’est pas très bien payés ?» J’ai dit oui. Et c’était tout. C’était l’interview.

Pat
J'espère que t’as assez de pellicule parce que moi j’en ai pour des heures ! Qu’est ce que tu veux savoir ? Pourquoi je suis en machinerie ?! Attends je vais m’asseoir parce que c’est très long.

Il fallait un cintrier. Je me suis dit pourquoi pas ! C’est un challenge. J’avais jamais fait ! Il faut une formation, on peut pas débarquer comme ça. Et bien si ! Je l’ai fait quand même. J’ai plongé les deux pieds dedans et c’était très dur la première année, j’ai failli redescendre au plateau. C’était dur parce que les gens qui travaillent ici sont très pointus. En haut, c’est pas la même ambiance qu’en bas. On rigole mais on rigole pas avec les poids. Tu rigoles pas avec ce qui monte, les accroches, un maillon rapide à l’envers, une manille mal fermée. C’est pas marrant, pour nous, parce que c’est dangereux. Même chose avec un rideau qui tombe, je veux dire, un mec au plateau, un rideau qui tombe, c’est de ta faute. S’il y a un accident, même si c’est pas de ta faute, tu culpabilises. Donc ça c’était dur. Et il faut pas avoir le vertige, il faut oser.

La metteuse en scène est venue me féliciter parce que je n’avais pas crié ! The show must go on !

J’ai travaillé sur Mort à Venise. L’action se passe sur un bateau et moi j’ai fait un marin des années 20, fausse clope au bec ! Un moment, on doit faire signe au cintrier de remonter un filet et d’embarquer des valises. Je suis en face de Simon et il y un vrai figurant avec nous. Simon fait signe au cintrier de monter le filet. A ce moment là, le figurant nous dit « attention, hier j’ai failli me coincer le doigt dedans » et le filet se referme sur mon doigt. Le filet monte. Je me suis retrouvé à 8 mètres de haut. J’ai attrapé le filet je me suis à califourchon et heureusement c’était la fin d’un acte donc le rideau descendait. J’étais persuadé que mon pouce était cassé en plus il y a des perches en haut ! Au départ je devais être plafonné ! C’est les gens en bas qui disaient « descendez Pat, descendez Pat !» Sinon j’étais au grill. Alors je suis descendu avec mon pouce qui clignotait là, le gyrophare. Je suis allé à l’hôpital. Le médecin était mort de rire. J’étais habillé en marin des années 20. « Mais qu’est ce qu’il vous arrive? Vous venez d’où? » « Je travaille à l’opéra »

Romantique anonyme

- Un jour un machiniste s’est engueulé avec la régisseuse en plein milieu du plateau. Ils s’aimaient tellement mais sans … sans s’avouer qu’ils s’aimaient. Alors un jour, ils se sont engueulés en plein milieu du plateau et puis…. Il y a un monsieur qui est venu et il leur a demandé de se calmer. Puis le machiniste et la régisseuse ont remballé le type comme un malpropre et ils s’y sont mis à deux. Ils ont fait une trêve quelques minutes. Le type est venu se mêler de leur petite dispute alors ils ont viré le type du plateau et une fois qu’il était dégagé, ils ont recommencé à se disputer de plus belle. Et en fin de journée, le gars c’était le metteur en scène et il les a retrouvés devant l’entrée des artistes en train de discuter de la pluie et du beau temps, tu vois, comme des amoureux. Il leur a demandés “tiens est ce que c’était voulu ou est ce que c’était vraiment une dispute?” et les deux ont dit que c’était vraiment une dispute. Il a trouvé ça magnifique ! Que c’était l’un de ses plus beaux souvenirs. Le machiniste et la régisseuse, vraiment, ils se cherchaient, ils étaient amoureux.

- C’était toi le machiniste ?

- …

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